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Vous êtes nombreux et nombreuses à venir consulter pour essayer d’être moins sujets aux accès de colère. La démarche est saine et compréhensible: nous subissons nos propres colères et notre entourage encore plus. Et c’est souvent avec ceux qui nous sont les plus proches et les plus chers que cette émotion parfois dévastatrice s’exprime en premier lieu. Sans parler des réactions démesurées qu’on constate tous les jours chez les autres et chez nous-mêmes dans les petits faits du quotidien - au travail, au volant, dans les transports en commun, à la caisse d’un supermarché, ou même lors d’un repas entre amis: cet avis contraire au nôtre, exprimé par cet ami, sur le dernier Tweet de telle personne médiatique mérite-t-il que nous prenions position de façon catégorique et que nous nous énervions ?
C’est ce que nous allons voir dans ce petit article introductif.
La colère est une des émotions de base, au même titre que la joie, la tristesse, la peur, le dégoût et la surprise. A ce titre, elle possède une utilité essentielle à notre survie.Elle est un moyen de faire face, de s’adapter à notre environnement. Il faut pouvoir la laisser exister, la ressentir, afin de mieux comprendre le message qu’elle véhicule. La colère sert à définir ou redéfinir des limites qui ont souvent été bafouées. Elle nous donne également de précieuses indications sur nos valeurs et nos besoins. Et, de façon immédiate, elle est une réaction proportionnelle à un acte subi - lorsqu’elle reste dans des proportions adaptées en qualité et en fréquence. Alors, ne cherchez pas toujours à éradiquer votre colère à tout prix mais à apprendre à la gérer correctement.
A - Exemple de colère
Prenons par exemple cette situation de travail en équipe: un de vos collègues prend régulièrement des pauses plus nombreuses ou plus longues que les autres et oblige de ce fait tout le monde à travailler plus pour compenser ses absences. Personne n’apprécie vraiment cette attitude mais seul un autre de vos collègues se met alors en colère pour protester vertement. Qu’est-ce qui motive cette action dans un milieu professionnel où le savoir-être attendu majoritairement considère la colère comme une émotion inadaptée ?
Il s’agit ici d’une forme d’autoprotection de la part du collègue qui s’est énervé. Et ce besoin
Un des besoins mis en lumière ici est celui de se protéger (ainsi que le reste de l’équipe ?) contre un surcroît de travail. Associé à un sentiment d’injustice, ce qui est essentiel dans cette situation: Sa colère lui permet ainsi de faire face à ce sentiment d’injustice qui ajoute au stress déjà existant lié à la surcharge de travail et à son côté répétitif. Ce qui rend mal à l’aise dans l’instant et de façon également anticipée.
Notez bien que l’é-motion est un message destiné aux autres - cela vient des racines e/ex (hors de) + motion (mouvement). Alors, quel est le message important dans notre situation de travail ? Ici, la colère passe le message très clair aux autres collègues qu’un manque de respect est ressenti, que des limites ont été franchies. Elle instaure de nouveau ces limites en les redéfinissant auprès des autres et en particulier du collègue qui abuse des pauses. En parallèle, notre colère nous avertit également lorsque notre entourage dépassent les limites. En ce sens, elle nous rappelle aussi à l’ordre par la voie émotionnelle ce que la bienséance, l'apprentissage culturel et social tend à nous faire oublier et accepter parfois trop facilement - “je veux bien être ... mais là je n’en peux plus” en est une expression typique. Ainsi, par sa réponse émotionnelle de type colère, le collègue fait savoir à la personne qui abuse des pauses qu'il a été trop loin, qu’il a dépassé les limites et que ce comportement ne sera plus toléré. On peut toujours se dire qu’il est préférable d’en parler avec le collègue avant de se mettre en colère, d’essayer de trouver une solution, de permettre au collègue qui aime les pauses de réaliser le poids qu’il met ainsi sur le reste de l’équipe, etc.
Evidemment, dit comme ça, on ne peut qu’être d’accord. Le cas qui nous concerne ici est plutôt à envisager avec un collègue qui abuse littéralement, c’est à dire qui ne souhaite pas dialoguer ou n’entend pas.
Que retenir de cet exemple ?
B - Tous en colère!
Et ce, avec un déclencheur majeur qui est le sentiment d’injustice contre soi ou contre les autres. Et que cette émotion n’est souvent pas la première à s’exprimer mais qu’elle dérive d’un besoin qui est insatisfait: celui de se sentir entendu.e, celui de se savoir reconnu.e, celui d’exister avec son intégrité préservée.
Le but devient alors évident: préserver voire défendre les limites de son territoire (symbolique ou réel) et les voir reconnues.
Selon P. Ekman, la colère peut être:
la résultante d’un obstacle nous empêchant d'atteindre un objectif très important pour nous,
la conséquence d’une menace réelle ou perçue physiquement ou psychologiquement.
La colère est donc une réaction et agit très rapidement - comme toutes les émotions, elles se diffusent plus rapidement que la pensée. Et pour cause: il s’agit de se concentrer sur ce qui nous menace potentiellement. Ainsi, de façon immédiate, la colère peut nous permettre d’obtenir des résultats intéressants et positifs pour nous.
Mais ne serait-ce qu’à moyen terme ? et de façon répétée ? voire de manière systématique ?
Par exemple, aimez-vous passer du temps avec les personnes qui se mettent souvent en colère ? C’est pour cela que la colère, si elle peut s’exprimer dans les moments où votre intégrité doit être protégée, elle ne doit pas devenir la réponse unique, l’expression privilégiée de ce que vous ressentez. Parce qu’il est difficile de supporter longtemps la colère des autres et le risque associé est l’isolement social.
C - Troubles liés à la colère
Difficile de poser un diagnostic sur un éventuel “trouble colérique”. Certains parlent de “trouble explosif intermittent” qui concerne l’impossibilité de contrôler des pulsions agressives. Est-ce pertinent de vouloir absolument lier la colère à un trouble psychiatrique particulier ? Il conviendrait d’abord d’en questionner l’utilité par rapport au traitement supposé.
Bien sûr, la colère peut se manifester à différents moments et au travers de plusieurs vignettes cliniques qui concernent aussi bien le Stress Post-Traumatique que les troubles anxieux, la dépression, la prise de substances...
L’important est dans votre rapport à vous et à votre entourage puisque l’é-motion, rappelons-le, est avant tout une affaire de signaux d’échange.
Avez-vous remarqué que vous dépassiez régulièrement les bornes dans l’expression de vos émotions? Pensez-vous que la colère soit devenue votre mode d’expression privilégié ou du moins soit devenue trop fréquente ? Regrettez-vous après coup les paroles ou les actes à l’encontre des autres ? Êtes-vous un peu trop réactif ou impulsif dès que quelque chose vous frustre, vous déplaît ou ne suit pas votre rythme ou votre volonté ?
Quels sont les retours que vos proches vous font par rapport à vos réactions - s’ils osent encore vous parler ? ;D
C’est en analysant tout cela que vous pourrez envisager de travailler sur votre gestion de la colère: quelle gêne pour vous et pour les autres?
D - Colère et agressivité
Alors, si vous estimez être effectivement trop porté sur la colère, vous pouvez vous poser cette question essentielle:
Quelle pourrait être la conséquence néfaste pour vous si vous deviez laisser tomber un peu votre colère ?
La plupart des personnes interrogées répondent qu’ils ont peur. Peur de laisser se produire des choses injustes. Peur de ne pouvoir faire respecter leur intégrité, de ne pouvoir se défendre. Peur d’être blessées.
La peur est une autre émotion, distincte de la colère mais il est intéressant de voir comment les personnes lient facilement l’une à l’autre. La peur conduit facilement à un comportement agressif mais la colère n’est pas la peur. Ainsi, bien qu’on en constate régulièrement l’expression dans les épisodes de colère “classique”, l’agressivité peut être dissociée de la colère. C’est à ce moment qu’entrent en jeu les thérapies et notamment les Thérapies Cognitives et Comportementales (TCC). Les méthodes qu’on apprend à utiliser lors des TCC permettent de réduire notablement les épisodes de colère et l’expression de l'agressivité. En parallèle, et c’est tout l’intérêt aussi pour faciliter son rapport à l’autre, on travaille sur la façon de substituer les réactions agressives par des comportements et réactions plus positives.
E - Quelques conseils
1/ Essayez dans un premier de noter ce qui déclenche votre colère, les éléments qui reviennent souvent.
2/ Repérer les premiers signes, les petites alertes qui vous disent: attention, tu vas bientôt exploser: que se passe-t-il au niveau des épaules, de votre rythme cardiaque, de votre sensation de chaleur, de votre ventre ?
3/ Faites en sorte que ces signes soient autant d’alerte pour vous permettre de vous mettre à l’abri - éloignez-vous de cette source qui vous met dans cet état et que vous avez repéré à l’étape 1
4/ Mettez en place - petit à petit - votre propre stratégie pour faire face: éloignez-vous quitte à vous excuser poliment, prenez le temps de respirer, analyser ce qui se passe et réévaluer l’enjeu véritable et son importance. Faites descendre ainsi la pression.
Et surtout, gardez à l’esprit que le problème n’est pas la colère mais la manière dont nous la gérons et l'exprimons. Et si vous avez besoin d’un peu d’aide, n’hésitez pas, votre thérapeute préféré est là pour vous accompagner.